SERVICE CONTINU | La Volonté 93

Du 3 au 13 Novembre 2022 | 15 rue Jean Pernin Saint Ouen

Aide à la Production Fonds de dotation Katapult |Commissariat Club Invisible

Artistes Hugo Avigo, Jeanne Briand, Louis Chaumier, Raphaël Massart, Imrane Mertad, Margot Pietri

Agence Lalicorn Studios | Photos ©

L’exposition SERVICE CONTINU propose d’interroger le concept de « temps libre » dans un contexte sociétal au sein duquel l’association de ces deux termes peut sembler antinomique.

Face à une certaine difficulté à nous inscrire dans la temporalité qui est la nôtre – entre une tendance à la projection dans un futur fantasmé et la nostalgie d’un passé révolu à plus ou moins long terme – celle-ci paraît nous échapper au profit d’un univers vacillant proche de la virtualité.

De cette fuite en avant qui résulte d’une accélération de nos modes de vie, découle notre incapacité à nous emparer pleinement d’un temps présent qui ne nous appartient objectivement plus.

Dès lors que les technologies nous permettent d’accéder à un état proche de l’ubiquité, se profile une peur paradoxale du vide. Cette sensation d’accéder à un espace-temps décuplé entraîne une démultiplication des options et une anxiété nouvelle à l’idée de rater un évènement.

Cette jouissance addictive qui conditionne désormais nos manières d’être à compartimenter chaque parcelle du quotidien peut s’apparenter à une marchandisation du temps ; une aliénation à un système qui nous enjoint à l’urgence dans tous les domaines, collectif comme individuel.

Face à une appréhension du temps qui confine à l’absurde, les artistes de l’exposition initient des pistes de réflexion alternatives.

Nature ON OFF | There is no thing such as nature |

Juillet-Août 2022 | BePoet Aktionsraum | Francfort |

Projet soutenu par : Katapult-Art-Fund | Institut français et Ville de Nantes et Région Hauts de France | Bureau d’Art et de Recherche | Quebec |Stadt Frankfurt Am Mein |

Commissaires : Romain Rambaud & Guillaume Krick

Artistes : Gianin Conrad | Joëlle Jakubiak | Roamain Rambaud | Jean-Baptiste Janisset | Bertand Gadenne | Marion Richomme | Guillaume Krick | Clara Juliane Glauert | Villard & Brossard | Regis Perray | Performer : Aïda Lorrain

Agence : Lalicorn Studios

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NATURE ON OFF_FR

« La nature, ça n’existe pas »

Cette citation de l’anthropologue Philippe Descola nous fait reconsidérer l’idée de nature. Sa pensée a profondément renouvelé notre lien au vivant et dessine la voie d’une nouvelle relation entre humains et non-humains. Les artistes et commissaires Guillaume Krick et Romain Rambaud se sont inspirés de ces nouvelles lectures d’un monde en bascule afin de développer une exposition questionnant ces nouveaux liens au réel. En effet, l’objectif de cette exposition est de rendre visible un éventail de positions artistiques contemporaines à travers leur relation au vivant.

Celui-ci est interprété dans son sens large en tant que vie végétale, animale, mais également en adoptant des perspectives géologiques, archéologiques en lien avec l’histoire de l’art. Ainsi les artistes exposés prennent position, questionnent et développent des points de vue alternatifs, pour mettre en exergue des problématiques actuelles avec les limites posées par l’anthropocène.

À une époque dominée par l’humain et par les impacts de son mode de vie, (urbanisation galopante, surexploitation des ressources, réchauffement climatique et l’implosion imminente d’écosystèmes) où le contact avec le réel se fait de manière de plus en plus numérisée, dématérialisée et accessible uniquement avec l’interface d’un écran, le vivant revient brusquement sur le devant de la scène médiatique. Il nous rappelle cette réalité : nous sommes dépendants de lui et nous en sommes constituants. Nous souhaitons explorer collectivement cette façon « d’être au monde ». Comment ces événements actuels nous interrogent sur nos représentations et sur nos imaginaires ? Et quelles sont les répercussions sur la recherche artistique ?

Les artistes de l’exposition Nature ON OFF s’approprient cette question dans leurs pratiques dans une dimension critique et poétique qui permet un décalage sur l’existant. Ils développent des œuvres oscillant d’un monde artificialisé, dystopique allant du déchets vers une apocalypse, d’un monde en saturation éveillant le passage vers un ailleurs, un autre espace des possibles. Ou encore, les recherches s’axent sur un monde utopique, interconnecté de façon brute ou apaisée par des œuvres dans lesquelles se fondent le végétal, le minéral, l’animal et l’humain. Ces formes « animées » élaborées au travers des peintures et des sculptures, nous amènent donc à réintégrer le vivant dans notre quotidien pour en prendre davantage conscience.

Ces démarches d’artistes par leur réflexion, leurs gestes et leurs productions sont aussi à lire dans leur besoin et leurs convictions d’une transformation du réel vers un futur apaisé avec le vivant.

NATURE ON OFF_EN

This quote by the anthropologist Philippe Descale makes us reconsider the very idea of nature. His work has profoundly modified our relationship with the living world and sketches out a new possible way of connecting the human with the non-human world. The artists and curators Guillaume Krick and Romain Rambaud have been inspired by these new interpretations of an upended world so as to develop a show interrogating this new connection to reality. Indeed, the ai of this show is to present a large scale of artistic positions united by the way they question our relationship with the living world.

This « living world » is to be seen in its broadest sense : concerning plants and animals of course, but also including geological, archeological perspectives and even representations in art history. Thus, the artists participating in this show take position, question and develop alternative points of view so as to point out contemporary issues in the light of the anthopocene.

At a time when the human species dominates the earth, where urbanization and exploitation of ressources lead to climate change and push whole ecosystems towards the edge of implosion, we have acknowledged this reality indirectly, through the intermediary of a screen. But now, the living world suddenly seems to come back the centre of our attention, reminding us that we have always been, and will always be, part of it. Our show wishes to explore our way of « being in the world » and how recent events such as climate change or Covid question our ways to represent and to imagine the world artistically.

The artists of the show seize the question in a critical way that allows a poetic shift between their positions and reality. They develop their work oscillating between an artificial, dystopia world, between waste, over saturation and the Apocalypse, and the possibility of a possible better Tomorrow. We can also see some sort of utopia, interconnected by artworks where the plant, animal and mineral worlds mingle peacefully or brutally with humans. These « animated » ideas are explored via painting and sculpture and make us reintegrate consciously the living world in our everyday lives. By their underlying thoughts and gestures, these artistic positions express the need of an evolution of human society in order to establish a more peaceful relationship with the living world.

LES FANTÔMES SE DÉROBENT COMME DES NUAGES |  Chapitre 3 | Where heart meets the sky |

SAMEDI 25 JUIN 2022 | Centre d’Art Chapelle Jeanne D’Arc de Thouars |

Projet soutenu par : Katapult-Art-Fund, Institut français et Ville de Nantes, Beaux-Arts de Nantes Saint-Nazaire |

En présence des artistes : Pascale Remita, François Joncour et Alexandre Meyrat Le Coz.

Agence : Lalicorn Studios

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Pensée à six mains, l’exposition de Pascale Rémita, Alexandre Meyrat Le Coz et François Joncour pourrait s’apparenter à un souvenir resurgi d’un temps incertain, des éclats de mémoire vive, le récit subjectif d’un paysage fait de mythologies, de rêves et de légendes. Cette proposition s’inscrit dans le cadre du projet Les fantômes se dérobent comme des nuages, initié par Pierre Giquel, Alexandre Meyrat Le Coz et Pascale Rémita en mars 2018 : à la suite d’une résidence effectuée dans le Grand Ouest américain en 2019, s’est inventée une série de présentations pluridisciplinaires, entre installations, poésies, sons, images fixes et animées.
À Thouars, l’exposition dévoile le troisième chapitre de ce voyage au long cours : il se nomme Where heart meets the sky1, une manière poétique de diriger nos regards vers l’horizon, vers les questions de frontières et de strates, vers la délimitation fragile entre le songe et la réalité.

EFFET DE SEUIL
Au portail des chapelles se manifeste la valeur symbolique de la porte : le lieu fonctionne comme un dispositif incluant également le parvis et le porche, il est un espace de transition entre le profane et le sacré et souvent les processions s’y arrêtent sous la protection de figures tutélaires. À la Chapelle Jeanne d’Arc de Thouars, l’entrée de l’exposition amplifie la nature puissamment symbolique du seuil : entre deux jambages, le visiteur franchit une structure qu’il ne découvre qu’à rebours, en faisant le geste de se retourner. L’image qui se révèle alors pourrait rappeler les traditions populaires et leurs rituels de protection, propitiatoires ou magiques, liés aux portes, en l’occurence les dépouilles d’animaux clouées. Ici, c’est la photographie d’un cheval mort, prise par Alexandre Meyrat Le Coz en sortant du territoire de Monument Valley, une image puissante comme une scène de crime, et présentée avec un slogan, à la façon des grands panneaux publicitaires
américains : Jolly won’t jump anymore s’inscrit en grandes lettres rouges, cristallisant en une synthèse éclair l’iconographie du cowboy Marlboro et l’âge d’or du western, la couleur prédominante dans ce paysage de manganèse et la culture amérindienne, sans oublier le cheval le plus rapide de l’ouest, alter ego de Lucky Luke, qui s’offre ici devant nos yeux juste avant sa disparition. Un QR code figure sur l’image : en le scannant, comme on le ferait pour n’importe quel produit de consommation courante, le visiteur est dirigé vers une page internet où il peut observer Monument Valley en direct, désert rougeoyant filmé en continu par une webcam. Comment nos écrans restituent-ils la vastitude de l’espace, les variations atmosphériques, la poésie de l’Ailleurs, l’imaginaire du mirage ?

LIGNES PARADOXALES
Monument Valley (en français, la vallée du monument) est ce site naturel américain proche du Four Corners, point de jonction où se rejoignent l’Utah, le Colorado, le Nouveau Mexique et l’Arizona. À cette borne frontière, un monument existe où les Américains aiment venir se faire photographier : au sol, une croix délimite les marques de l’unique quadripoint du territoire des États-Unis où quatre États convergent. Au cours de son séjour à Monument Valley, Pascale Rémita fut très attentive à ces lignes géométriques projetées sur le paysage, en filmant notamment l’immensité alentour à travers la clôture du camp où elle résidait, qui imprimait son quadrillage sur la terre et le ciel, une grille qui lui a évoqué la cartographie américaine avec ses états découpés au cordeau, ainsi que le Four Corners Monument. Ces jeux de lignes entrent aussi en résonance avec l’architecture du centre d’art, rythmée par les alignements de pierres et les barlotières des vitraux de la chapelle. Au fusain, sur trois panneaux de bois, l’artiste se saisit de certaines images issues de sa vidéo Hi love, très connotées par les emblématiques cheminées de pierre : ces scènes cadrées, qui jouent sur le hors-champ, répercutent une réalité impossible à embrasser, que le regard ne peut dompter. Le titre de ce triptyque, Sous l’ombre des étendues endormies, fait référence à cet espace caractéristique des États-Unis que l’industrie du cinéma a largement illustré, et qui demeure un lieu sacré pour les peuples Amérindiens qui l’ont occupé originellement, ces Navajos qui vivent aujourd’hui du tourisme et de l’exploitation d’une gigantesque mine de charbon2. La matière noire du fusain de l’artiste, veloutée et pulvérulente, renforce l’aspect minéral, presque fossile, de cette région aride, et la moirure du bois, un contreplaqué de peuplier laissé brut, rejoint la rondeur des nuages. Comme à son habitude, Pascale Rémita brouille les règnes et multiplie les circulations entre le construit et le naturel, entre le visible et le sensible. Ce triptyque est une question posée à la représentation du paysage, lorsqu’il est comme ici un symbole, qu’il représente l’immensité même.

PLAN D’HORIZON
Monument Valley se distingue par ses formations géomorphologiques composées de mesas et de buttes-témoins. Au fil de son voyage long de 6000 km au cours duquel il a traversé sept états, Alexandre Meyrat Le Coz commence à inventorier certaines lignes géologiques croisées en chemin. Chaque jour, l’artiste photographie le paysage, en s’intéressant tout particulièrement à sa ligne d’horizon, puis à la fin du voyage, il retranscrit cet inventaire de 466 lignes sous forme de dessin. De ces lignes, Alexandre Meyrat Le Coz tire une plaque dite cliché magnésium, produite par gravure chimique en vue de réaliser des impressions : au verso du triptyque de Pascale Rémita, cette plaque accompagnée de plusieurs tirages rouges sont exposés, comme une étape expérimentale de l’écriture du paysage traversé.

Plus loin dans l’exposition, de fines structures en inox supportent ces mêmes lignes géologiques, découpées dans un papier translucide qui rappelle l’hostie, dans la matière comme dans la transparence. Espacées de 3 cm, ces silhouettes de paysage
s’étagent en plans délicats, qui évoquent les boîtes d’optique du début du XIXe siècle, et leur représentation perspectiviste au moyen de plusieurs décors positionnés les uns derrières les autres, repris ensuite dans les dioramas dépliants. Ce théâtre du paysage réinventé par de nouvelles stratifications épurées, stylisées à l’extrême, prolonge l’idée des multiples traductions de l’espace naturel qu’envisage Alexandre Meyrat Le Coz, qui entreprendra bientôt une transposition de ces lignes en partitions sonores.

CAPSULE COOKIE
Situé au Nouveau Mexique, le Kasha-Katuwe Tent Rocks3 est un parc célèbre pour ses formations de roches en forme de cônes, appelées en français cheminées de fées, et provenant d’éruptions volcaniques d’il y a 6 à 7 millions d’années. Lors de sa visite de ce site lunaire, Alexandre Meyrat Le Coz laissa tomber un cookie au sol : couvert de terre, le petit gâteau est devenu, par empreinte, un extrait de paysage, précieux comme une relique. L’artiste en expose une photographie, intitulée Kasha-Katuwe Tent Rocks Cookie. En creux, cette image-souvenir pose de multiples questions : comment lit-on un paysage ? Est-ce qu’on le consomme ? Qu’est-ce qu’on en ramène ?

FOYER ODORIFÈRE
À l’emplacement du choeur de la chapelle, devenu foyer condensateur d’énergie, Pascale Rémita présente la vidéo Miles of cactus : un long travelling entre chien et loup, dans le parc national de Saguaro, célèbre pour ses cactus candélabres, dont la silhouette filmée en contre-jour se découpe comme dans un théâtre d’ombre, sur fond de ciel aux nuages féeriques. L’atmosphère sonore, créée par François Joncour, combine sons d’ambiance et rifs de guitare à résonateur, avec effets d’échos mélancoliques : un voyage crépusculaire et contemplatif, entre l’éveil et le rêve.
Dans ce choeur, le visiteur est invité à transiter vers une autre dimension : au sol, une plaque de zinc délimite un foyer où se consument des bâtons de sauge, traditionnellement utilisés par les Indiens pour leurs rituels. Sa fumée est bénéfique pour décharger les lieux des énergies négatives, et purifier les personnes ou les événements. L’étymologie du mot confirme cette
dimension : sauge vient du latin «salvare» qui signifie «guérir».

VIBRATION
Compositeur, François Joncour appréhende l’espace que lui attribue l’exposition de manière immersive et englobante : il fait le lien entre les oeuvres visuelles, tout en restituant la personnalité des paysages désertiques, leur aura presque magique, leur valeur cinématographique. Comme un personnage spectral, un autre fantôme dans l’exposition, sa composition sonore sait ménager les silences, entreprendre des pauses pour mieux revenir hanter le récit, de sons naturels captés sur les lieux du voyage, ou d’amorces musicales porteuses de réminiscences et d’analogies avec le genre codifié du western américain contemporain, jamais loin du spleen. Des états de suspens, des ruptures rythmiques, des bruits diffus qui surgissent au loin, accompagnent les accords de l’exposition et lui confère une atmosphère particulière, perpétuellement
changeante.

CONTEXTE FEUILLETÉ
Dans Hi Love, triptyque vidéo installé par Pascale Rémita au sous-sol de la chapelle, on croise un cheval, un Indien furtif, des cavaliers lents, la silhouette des mesas, un terrain clôt et des cordes qui flottent au vent. Autant de signes qui renvoient au temps géologique comme à l’activité humaine, à l’espace immense du désert et du ciel comme à l’exiguïté de l’enclos domestique, à l’existence vivace de sensibilités paysagères autochtones, enchâssées dans celles des colons occidentaux. Les trois écrans se répondent en une sorte de chorégraphie feuilletée, où le réel est truffé de structures scéniques (plateau rocheux, enclos de bois), de quadrillages géométriques et de clichés cinématographiques. L’encolure du cheval répond à la ligne d’horizon, la verticalité immuable des cheminées de pierre dialogue avec l’horizontalité fuselée d’une vieille voiture américaine : les temporalités s’entrechoquent, au même titre que les jeux d’échelles se multiplient.
Également projetée au sous-sol, une vidéo d’Alexandre Meyrat Le Coz rend hommage à Georgia O’Keefe. Pour la première fois en 1943, l’artiste américaine peint un os de bassin collecté lors de l’une de ses marches dans le désert. S’il ne devient pas la métaphore directe des temps de guerre, le ciel qu’elle entrevoit dans la cavité de l’os incarne « ce bleu qui sera toujours là comme il est maintenant même après que les hommes en auront fini avec leurs destructions ». Dans le sillage de Georgia O’Keeffe, Alexandre Meyrat Le Coz célèbre la continuité du cycle vital en filmant le paysage à travers les os blanchis d’un bovin. Il en résulte une perte de repères, le pelvis imposant ses gigantesques proportions au-dessus du désert.

DERNIER POÈME
À la disposition du public dans le choeur de la chapelle, non loin de la vidéo Miles of cactus, un texte de Pierre Giquel décrit les multiples sensations éprouvées au cours de sa résidence dans le Grand Ouest américain : dans ce paysage de poussière, le feu côtoie la neige, le désert s’offre à la vague, la nuit et le jour ont rendez-vous. Si cette exposition au centre d’art de Thouars était un film, ce poème pourrait en constituer le générique de fin. Le voici :

LE JOUR DE LA NUIT
Parfois, j’ai la nostalgie des faveurs du désert. Les feux y brûlent soudainement, c’est une catastrophe quand n’importe quel fagot devient une torche inattendue.
Mais en dehors, c’est le souffle étrange de la terre qui nous étreint, c’est le murmure d’un vent soulevant un nuage de poussière à minuit, c’est une rose qui poussait à la fin du jour et s’est raidie pour dominer les buissons. On boit un verre frais sur la terrasse abritée d’un muret blanc.
C’est le jour de la nuit, on a tourné dans les environs, un film avec des acteurs hauts en couleur, un danger demeure : le serpent sans doute éveille en nous une peur ancienne et commune à tous. Le jour, ici a une qualité intentionnelle et luxurieuse, on glisse, la joue pâle, sur un flocon de neige. La terre attend la rivière haute. L’été l’a asséchée considérablement.
La nuit, si la ville s’arrête, le désert, lui, devient une offrande qui bat dans une vague. On ne parle plus, on se baisse pour cueillir le reflet d’une étoile, le cri obscur du coyote déchire le néant.
On devine la noirceur de l’animal nerveux dans le taillis bleu.
Pierre Giquel

Éva Prouteau, critique d’art

Notes
1 – Où le coeur rencontre le ciel.
Le site fait partiellement partie d’une réserve des Navajos : ces derniers nomment l’endroit
Tsé Bii’ Ndzisgaii, la vallée des rocs, et ont baptisé certains reliefs rocheux en fonction de
leur forme évocatrice. Ainsi on peut observer le Grand Chef indien, l’Aigle impérial, l’OEil qui
pleure, les Trois Soeurs ou la Botte de cowboy.
2 – L’une des mesas des Hopis, Black Mesa, transpire de l’eau. Une source certes limitée,
mais qui ne s’est jamais asséchée au fil des siècles. Black Mesa doit son nom à ses
gisements de charbon qui ont permis aux Hopis de traverser le temps avec une source
d’énergie à disposition : en dessinant au fusain, Pascale Rémita rend un discret hommage
à l’histoire tumultueuse des Hopis dans leur exploitation des sites carbonifères.
3 – Littéralement, les rochers en forme de tentes des falaises blanches.

SCROLLOPHAGE | Les Rencontres d’Arles, OFF |

Exposition du 5 au 15 Juillet 2022. A Space For Photography, 19 rue des Arènes, Arles.

Production Fonds de dotation Katapult |Commissaires associés Haos Galerie & Romain Rambaud|

Artistes Mélanie Bonajo, Grégory Chatonsky, Jean Baptiste Janisset, Guillaume Krick, Mélodie Mousset, Wilfried Nail, Romain Rambaud, Chloé Sharrock, Ken Sortais, Benoît Travers, Justin Weiler.

Performers Guillaume Krick & Alia Tsagkari, Benoît Travers, Charles Pennequin & Camille Escudero, Sandra Ancelot & Stephane Ink.

DJs Aube, Discolowcost

Agence Lalicorn Studios | Photos © Benoît Travers |

Photograph by Benoît Travers
Photograph by Benoît Travers
Photograph by Benoît Travers
Photograph by Benoît Travers
Photograph by Benoît Travers
Photograph by Benoît Travers
Photograph by Benoît Travers
Photograph by Benoît Travers
Photograph by Benoît Travers
Photograph by Benoît Travers
Photograph by Benoît Travers
Photograph by Lalicorn Studios
Photograph by Lalicorn Studios

Le terme scrollophage laisse supposer que l’utilisation du digital répond désormais à un besoin compulsif, une nécessité quasi vitale devenue indissociable de nos modes de vie. À l’heure où le fait de scroller semble déposséder l’image de toute singularité, cette exposition initiée dans le cadre des Rencontres d’Arles, interroge nos perceptions et nos manières de consommer la photographie. Ce néologisme tend ainsi à sonder nos dérives contemporaines tout en proposant d’autres voies que celle de l’aliénation à un univers virtuel qui pourrait constituer une perte d’identité.
L’exposition met en exergue une dichotomie entre la surreprésentation des corps qui se multiplient et se dispersent dans un système constamment alimenté par de nouvelles images et leur inévitable absorption dans cette nuée de données. Laissant entendre qu’une saturation intempestive de notre espace visuel par une multitude de figures anonymes conduit à un effacement progressif de toute individualité, Scrollophage présente autant de scènes fantomatiques et de paysages désertés pour évoquer d’autres mondes en marge de nos sociétés. Jouant des formes et des contreformes pour laisser transparaître leur présence en creux, les artistes de l’exposition font le choix d’opposer une altérité radicale à une continuelle reproduction du même.
Certains d’entre eux traduisent par l’absence, l’empreinte des corps dont la présence manifeste persiste. Le triptyque de Guillaume Krick – donnant à voir des épaves d’embarcations ensevelies après une traversée – est ainsi mis en regard avec les cénotaphes photographiés en Mauritanie par Wilfried Nail. À ces cimetières sans dépouilles viennent répondre les sculptures de Jean-Baptiste Janisset, ex-voto moulés à partir d’éléments glanés dans divers lieux de culte funéraires. Plus loin, dans l’oeuvre de la photojournaliste Chloé Sharrock, les débris de verre maculant le sol suggèrent un impact, témoin d’un événement dont on peine à définir l’ampleur et qui révèle là encore « la survivance d’un référent qui a disparu, qui est absent » 1. De la même manière, un tirage de Benoît Travers représente un abri de fortune sans habitant, saisi dans l’espace public, puis retravaillé par une technique de martelage.
Dans une autre perspective, Grégory Chatonsky met en scène un ailleurs post-apocalyptique généré par une intelligence artificielle dont la voix-off demeure l’unique trace de vie, quand Pierre Gaignard nous livre une vision anticipatrice d’un futur proche dans lequel il exécute un rituel chamanique halluciné au coeur d’une zone périurbaine dépeuplée. Justin Wieler, quant à lui, poursuit ses recherches picturales à dimension photochromique pour figurer des espaces indéfinis au sein desquels l’humain n’a pas sa place. Enfin, la sculpture anthropomorphe de Ken Sortais laisse entrevoir les vestiges d’un corps momifié après l’anéantissement de toute civilisation.

À ces différents tableaux se greffent des univers dans lesquels les êtres font dorénavant office de supports, réduits à un usage fonctionnel ou décoratif. Dans les vidéos de Melanie Bonajo, les corps fusionnent avec les objets prothétiques qui les enserrent et les contraignent tandis que dans le travail de Mélanie Mousset, le corps de l’artiste devient le socle d’un vase en formation dont l’orifice invite implicitement à une immersion dans son organisme. D’une autre manière, les pièces de Romain Rambaud montrent des anatomies parées de sex-toys qui se confondent avec différentes strates d’images accumulées, entre essences de bois texturées et décors acidulés de dessins animés. Par ailleurs, dans les performances pensées en duo par Guillaume Krick et Alia Tsagkari, Charles Pennequin et Camille Escudero, Sandra Ancelot et INK pour prolonger l’exposition, les corps sont amenés à reproduire compulsivement les mêmes actions à travers une répétition de mots, de gestes ou de sons qui confine à l’absurde.
Si dans ces travaux le corps est tour à tour absent, invisibilisé ou relégué à l’arrière-plan, il s’agit toujours pour les artistes de l’exposition de mettre en tension les notions d’image et d’identité, jouant de l’immatérialité propre à un environnement numérique. Pour cette raison, ils mettent en lumière des micro-récits évoquant des parcours de vies marginalisées, des scènes fictionnelles qui nous renvoient à l’inévitable chute de l’humanité ou encore des mondes parallèles dans lesquels le corps ne serait conçu que dans sa dimension utilitaire. Considérant qu’ « il existe un autre monde mais il est dans celui-ci » 2, les artistes de Scrollophage initient des trajectoires autres pour échapper à une virtualité omnipotente.

Camille Velluet

1 Georges Didi-Huberman, La ressemblance par contact. Archéologie, anachronisme et modernité de l’empreinte, Paris, Éditions de Minuit, 2008.
2 Oeuvres complètes de Paul Eluard. Volume 1 : 1913 – 1915, Paris, Gallimard, 1968.

The term scrollophage suggests that the use of digital technology is now a compulsive need, an almost vital necessity that has become inseparable from our lifestyles. At a time when the fact of scrolling seems to seems to deprive the image of any singularity, this exhibition initiated in the framework of the Rencontres d’Arles, questions our perceptions and our ways of consuming
photography. This neologism tends to probe our contemporary drifts while proposing other ways than the alienation to a virtual universe that could constitute a loss of identity.
The exhibition highlights a dichotomy between the over-representation of bodies that multiply and disperse in a system constantly fed by new images and their inevitable absorption in this cloud of data. Suggesting that an untimely saturation of our visual space by a multitude of anonymous figures leads to a progressive erasure of any individuality, Scrollophage presents as many ghostly scenes and deserted landscapes to evoke other worlds on the fringe of our societies. Playing with forms and counter-forms to let their presence show through, the artists in the exhibition choose to oppose a radical otherness to a continuous reproduction of the same.
Some of them translate by the absence, the print of the bodies whose manifest presence persists.
These works are compared with the cenotaphs photographed in Mauritania by Wilfried Nail. Jean-Baptiste Janisset’s sculptures, ex-votos molded from elements gleaned from various places of funerary worship, respond to these cemeteries without remains. Further on, in the work of
photojournalist Chloé Sharrock, the shards of glass smudging the ground suggest an impact, a witness to an event whose magnitude is difficult to define and which again reveals «the survival of a referent that has disappeared, that is absent»
In the same way, a print by Benoît Travers represents a makeshift shelter without an inhabitant, seized in the public space, then reworked. public space, then reworked by a technique of
hammering.
In another perspective, Gregory Chatonsky stages a post-apocalyptic elsewhere generated by an artificial intelligence whose voice-over remains the only trace of life, while Pierre Gaignard
delivers an anticipatory vision of a near future in which he performs a hallucinated shamanic
ritual in the heart of a depopulated peri-urban area. As for Justin Wieler, he continues his pictorial research with a photochromic dimension to represent undefined spaces in which humans have no place. Finally, the anthropomorphic sculpture of Ken Sortais gives a glimpse of the remains of a
mummified body after the annihilation of all civilization.

Guillaume Krick’s triptych – showing the wrecks of boats buried after a crossing – is thus «the survival of a referent that has disappeared, that is absent «. In the same way, a print by Benoît
Travers represents a makeshift shelter without an inhabitant, in the public space, then reworked by a hammering technique.
To these different paintings are grafted universes in which the beings are henceforth used as supports, reduced to a functional or decorative use. In the videos of Melanie Bonajo, the bodies merge with the prosthetic objects which enclose them and constrain them while in the work of Mélanie Mousset, the body of the artist becomes the base of a vase in formation whose orifice implicitly invites to an immersion in its organism.
In another way, the pieces of Romain Rambaud show anatomies adorned with sex-toys which merge with different strata of accumulated images, between textured wood species and acidulous decorations textured and acidulated decorations of cartoons.
If in these works the body is alternately absent, invisibilized or relegated to the background, it is always for the artists of the exhibition to put in tension the notions of image and identity, playing with the immateriality of a digital environment. For this reason they highlight micro-stories evoking marginalized life paths, fictional scenes that refer us to the inevitable fall of humanity or parallel worlds in which the body would be conceived only in its utilitarian dimension.
Considering that «there is another world but it is in this one», the artists of Scrollophage initiate other trajectories to escape an omnipotent virtuality.

Camille Velluet

 

KATAPULT ARTBOOK

2016-2021| NANTES – BANGKOK |

Les trajectoires d’un catalyseur d’art…

Une co-production Katapult & Lalicorn regroupant cinq années d’activités du fonds.

« Prise de risque », « aventure », « expérience »… A l’image de ces mots cités par Wilfried Pasquier, décrire le fonds de dotation Katapult, ses contours et ses activités, c’est d’abord une manière de dessiner en creux un portrait de son fondateur et d’un état d’esprit. Reflet d’une relation intime entamée avec l’art et les artistes, il y a maintenant une quinzaine d’années avec les premières acquisitions d’oeuvres par celui-ci, Katapult n’est que la prolongation naturelle d’une histoire, tenant à la fois du projet de vie et de l’attitude, une affaire de personnalité et de passion.

Loin de l’image du collectionneur d’art installé, par le biais de sa structure, Wilfried Pasquier, tête chercheuse et autodidacte, n’a de cesse dès lors de multiplier les visages et les rôles selon les contextes, tour à tour, producteur, interlocuteur, collectionneur…

De même qu’il privilégie l’intérêt pour l’expérimentation, les processus de fabrication, l’élaboration et la genèse d’une œuvre, plutôt que l’objet fini d’une pièce, Wilfried Pasquier s’envisage volontiers comme un « facilitateur » , compagnon de projet des artistes au fil des rencontres.

Du Sénégal à Nantes, de Marseille au Nouveau-Mexique, d’une galerie d’art à un désert de Tunisie,

Katapult a posé ses jalons et marqué sa signature au fil de ces dernières années, à la manière d’une interface nomade et protéiforme : soutien à l’exposition, suivi de production, aide à l’édition, au projet ou à la mobilité, acquisition d’oeuvres…

Dans un dialogue constant avec des critiques d’art, curateurs et autres différents acteurs de l’écosystème de l’art, Katapult s’envisage comme une façon constante et réactualisée d’être au milieu de la création contemporaine et émergente.

Fonctionnant à l’envie et au désir, guidé par les mêmes idées de curiosité et d’ouverture, si Wilfried Pasquier aime à évoquer au passage quelqu’un comme Nicolas Bourriaud, c’est en référence à ces notions d’hybridité et de transversalité dans les arts plastiques. Se voulant lieu d’échange et de mise en réseau, destiné à rendre visible et vivifiant des regards et des approches, Katapult renouvelle la figure du mécénat privé, conjuguant le plaisir de la découverte et de la recherche, celui de tisser des liens telle une certaine idée de faire communauté.

Kaléidoscope résolument tourné vers de nouveaux futurs, la présente publication retrace un parcours et cinq ans de nuances de projets et de soutiens menés par Katapult avec des artistes, autant de différentes vies, qui annoncent déjà d’autres rafraichissants possibles.

Frédéric Emprou

Pour commander le livre, adresser un email à fredy@lalicorn.com

Prix : 30 € + frais de port

« SI NOUS N’AVIONS PAS VU LES ÉTOILES »

SAMEDI 28 AOUT 2021 | Vernissage Buropolis Marseille | Art-o-rama « Hors les murs »

Exposition du 29 Août au 9 Octobre 2021 à Buropolis, 343 Bd Romain Rolland, 9ème étage, 13009 Marseille.

Directeur Artistique Jean-Baptiste Janisset | Sélection Capsules Vidéo Jean-Christophe Archos | Production Fonds de dotation Katapult | Communication & Presse gotu.agency | Graphic templemagazine.co |

Photograph by Bénédicte Desrus
Jean-Baptiste Janisset, Si nous n’avions pas vu les étoiles, zinc, plomb, étain, cuivre, 2021 Photograph by Bénédicte Desrus
Photograph by Bénédicte Desrus
Photograph by Bénédicte Desrus
Video Grégory Chatonsky - Solaire, 2021 Photograph by Bénédicte Desrus
Video Grégory Chatonsky - Solaire, 2021 Photograph by Bénédicte Desrus
Photograph by Bénédicte Desrus
Anastasia Bay, More pricks than kicks, 200x180 cm, Acrylic on canvas 2021 Photograph by Bénédicte Desrus
Bella Hunt & DDC, Athena stuc de chaux, pigments, céramics, bougie, 2021 Photograph by Bénédicte Desrus
Romain Vicari, Astralis impression jet d’encre, résine, 140x125 cm, 2021 + Romain Vicari, Pegasus impression jet d’encre, résine, Photograph by Bénédicte Desrus
Lux Miranda, Fire Belt part 1&2. Part 1 : Tapis en laine, 130x240 cm, 2021 Part 2 : 120x 140 cm, 2021 Courtesy of the artist & The Pill Photograph by Bénédicte Desrus
Wilfried Pasquier (Fonds de dotation Katapult) Photograph by Bénédicte Desrus

Fin juillet, l’imaginaire testostéroné de la conquête spatiale retombait mollement. A quelques jours d’intervalle, deux milliardaires accompagnés d’une poignée de leurs émules passaient quelques minutes en apesanteur à une petite centaine de kilomètres de la Terre. Les premiers pas vers une privatisation des confins célestes à destination du 0,0001% aura surtout entériné cet ultime constat : viser la frontière plutôt que l’immensité reconduira toujours des relents de domination coloniale, sans jamais cependant dépasser les cadres de pensée étriqués d’un positivisme moderne éculé.
Mais que l’on contemple l’horizon lointain tel qu’il s’offre dans toute son incertitude iridescente et c’est au contraire l’expérience d’un inconnu radical qui vient rebattre les cartes du connu et du perçu. Il en va d’une apparition fugace et fuyante comme l’est un mirage, une hallucination ou plus simplement d’un éblouissement qui, discrètement, murmure que non, tout n’a pas déjà été exploré, répertorié, commodifié, Googlemappé, que nous ne venons pas trop tard, que le mystère demeure et, qu’enfin, le terrestre lui-même s’élargit et s’amplifie si tant est que le regard ait l’humilité de le laisser pleinement éclore.
L’exposition collective Si nous n’avions pas vu les étoiles provient de l’ambition à la fois humble et infinie d’électriser à nouveau l’imaginaire. Son titre provient d’une phrase prononcée par l’astrophysicien Michel Mayor qui, en 1995, découvrait la première exoplanète – une planète située en dehors du système solaire – depuis l’Observatoire de Haute-Provence. A une centaine de kilomètres de là, au neuvième étage de Buropolis à Marseille, une vingtaine d’artistes s’accordent ensemble à faire résonner à nouveau le questionnement du Prix Nobel se demandant quel aurait été le développement de la pensée si la lumière des astres n’était venue capter le regard des vivants.
Conçue comme une odyssée élisant le spectre métaphysique contre cet autre simplement technologique, la proposition confiée à la direction artistique de Jean-Baptiste Janisset rassemble une vingtaine d’artistes (Anastasia Bay ; Neïl Beloufa ; Wolf Cuyvers ; Sophie Dejode & Bertrand Lacombe ; Mathilde Denize ; Michele Gabriele ; Bella Hunt & DDC ; Jean-Baptiste Janisset ; Fiona Mackay ; Jean-Michel ; Lux Miranda ; Nicolas Momein ; Panamarenko ; Lise Stoufflet ; Floryan Varennes ; Romain Vicari ; Julie Villard & Simon Brossard ; Tom Volkaert ; Victor Yudaev) ainsi qu’une programmation vidéo sélectionnée par Jean-Christophe Arcos (Julien Creuzet ; Marie Lienhard ; Sara Sadik ; Virginie Yassef ; Laurie Charles ; Gregory Chatonsky ; Caroline Mesquita).
Au sein d’une scénographie dont le sol recouvert d’un thermo-isolant argenté reflète à la fois les rayons du soleil et les corps physiques et matériels, les œuvres, médiums et singularités individuelles se brouillent et s’augmentent tout en laissant la part belle aux fréquences spirituelles et aux résonances ésotériques, aux effets de croyances ancestrales et aux boucles rétro-futuristes, aux vocables néo-mythologiques et aux formes mâtinées d’une mélancolie primordiale.
En 1974, le philosophe Theodor W. Adorno se désolait de ces « étoiles retombées à terre » (« The Stars Down To Earth ») dont témoignait selon lui l’essor de l’occultisme et de l’irrationnel dans la 1 culture populaire de la seconde moitié du XXe siècle. Or en plaçant l’éblouissement au centre de son expérience perceptive, Si nous n’avions pas vu les étoiles retourne la formule pour en inverser la portée : certes, les étoiles sont retombées à terre, mais uniquement par l’effort sans cesse reconduit des artistes qui les y attirent et appellent, bien conscients qu’il s’agit là du meilleur antidote pour reconstruire l’avenir autrement qu’adossé à la folie des grandeurs des techno-Icares.

Ingrid Luquet Gad

At the end of July, the testosterone fuelled dream of space conquest hit the ground without a bang. Within a few days, two billionaires and a handful of their followers spent a few minutes of weightlessness just about a hundred kilometres above Earth. These first steps towards the privatisation of the great beyond for the benefit of the 0.0001% will have achieved one thing: aiming for the limit rather than for the infinite will always reek of colonial domination, forever stuck in a frame of the narrow thoughts of an outdated modern positivism.
However, as soon as we contemplate the faraway horizon as it presents itself in all its iridescent uncertainty, the experience of a radical unknown sets forth with a clean slate for what is known and perceived. Just like it is true for a mirage, an elusive and fleeting apparition, a hallucination or more simply a dazzle, we can surreptitiously hear a whisper saying that no, not everything has already been explored, filed, commodified, Googlemapped; that no, we are not too late and mysteries remain and finally that no, what is terrestrial doesn’t stop to expand or grow just as long as our gaze upon it remains humble and we let it freely bloom.
The collective exhibition “Si nous n’avions pas vu les étoiles” (If we hadn’t see the stars), originated from the ambition, both humble and boundless, of re-energising imagination. Its name is a quote from astrophysicist Michel Mayor who discovered the first exoplanet in 1995 – a planet outside the Solar system – from the Haute-Provence Observatory. A hundred kilometres from there in 2021 (?), on the 9th floor of Buropolis in Marseilles, about 20 artists decided to unite and make the Nobel Prize recipient’s quote resonate once more by asking themselves how would have thought evolved if the light of stars had not drawn humanity’s gaze.
Conceived as an odyssey where the ghost of metaphysics is opposed to the technological one, its curation was put under the care of Jean-Baptiste Janisset and brings together the artists Anastasia Bay, Neïl Beloufa, Wolf Cuyvers, Sophie Dejode & Bertrand Lacombe , Mathilde Denize, Michele Gabriele, Bella Hunt & DDC, Jean-Baptiste Janisset, Fiona Mackay, Jean-Michel, Lux Miranda, Nicolas Momein, Panamarenko, Lise Stoufflet, Floryan Varennes, Romain Vicari, Julie Villard & Simon Brossard, Tom Volkaert and Victor Yudaev. Their works are supported by videos selected by Jean-Christophe Arcos of artists Julien Creuzet, Marie Lienhard, Sara Sadik, Virginie Yassef, Laurie Charles, Gregory Chatonsky and Caroline Mesquita.
Running through the exhibition is a silver thermo-insulating covered floor that reflects sun rays, but also physical and material bodies. The artworks, individual media and singularities blur and enhance one another while giving space to spiritual frequencies, esoteric resonances and their secular faiths as well as retro-futuristic loops, suggesting neo-mythological titles and shapes tinted by a primordial melancholy.
In 1974, philosopher Theodor W. Adorno lamented about those “stars that fell down to Earth”, after he witnessed what he called the rise of the occult and the irrational in the mainstream culture of the second half of the 20th century. By setting bedazzlement at the center of its perceptual experience, Si nous n’avions pas vu les étoiles reverses the phrase’s significance: without a doubt the stars fell down to Earth, but only thanks to the endlessly renewed effort of the artists who lure and call to them, carried forward by the knowledge that this is an antidote which devise a way to rebuild a Future that does not rest on the delusions of grandeur harboured by techno-icaruses.

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Theodor Adorno, « Theses Against Occultism », The Stars Down to Earth and Other Essays on the Irrational in Culture, Londres: Routledge, 1994 [1974]